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28 mars 2012
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Musée d'Orsay - Mercredi 28 mars 2012

 
Le Christ à la colonne est exposé depuis le lundi 26 mars au Musée d’Orsay,
dans la galerie consacrée au Symbolisme. Le pastel des Tireurs à l'arc a été remis dans les réserves pour des raisons de conservation.

A l’approche de la Semaine Sainte, une belle méditation nous est ainsi offerte:
le Christ, à côté de l’Ascension du Poilu, partage les souffrances de l’humanité.




© Musée d'Orsay, Paris
 


 
Louis Vauxcelles, in: L'Art décoratif, Paris, octobre 1910, p.143 :
« […] Desvallières, de qui il faut admirer le Christ flagellé,
pathétique comme un Christ de primitif espagnol. […] »




SALON D’AUTOMNE 1910

-- p.99 --

[…] Desvallières expose à ce septième Salon d’Automne deux grandes toiles qui résument une des plus importantes étapes de sa vie d’artiste. D’un côté, La Grèce [p.103], fleuron de sa peinture allégorique, vient en quelque sorte couronner cette période décorative profane ; de l’autre, Christ à la Colonne [p.105], qui prend en compte tout ce passé auquel il associe sa foi retrouvée quelques années auparavant. Il choisit de présenter ces deux toiles ensemble, un peu à la manière d'un premier testament au Salon d’Automne. […]

Catherine Ambroselli de Bayser

-- p.104 --

Christ à la colonne
1910
Huile sur toile, (161 x 149 cm)
Signé et daté au centre à droite:
George Desvallières 1910
Musée d’Orsay


Les représentations du Christ de la Passion sont apparues dans l’œuvre de Desvallières avec la suite des illustrations pour Rolla [pp.75-77]. Le peintre aborde de nouveau ce thème en réalisant ce Christ à la colonne à son retour d’Espagne, pays dont l’iconographie du XVIIe siècle offre de nombreuses représentations du Christ après la Flagellation. Ainsi, comme l’avait fait Vélasquez en 1632 (1), Desvallières représente un Christ pantelant, encordé à une colonne. Visitant Avila, Salamanque et Ségovie en juin 1910, il a trouvé un écho à son christianisme inquiet dans le dolorisme des peintures du Greco et de Valdés Leal. Tout le corps de son Christ porte les marques en traits de sang de sa flagellation. L’inscription peinte sur le fond ténébreux: « Seigneur, ayez pitié de nous », souligne l’âpreté du sentiment religieux qui anime dès le début son apostolat artistique.

Ce tableau, qui appartient à Maurice Denis dès 1914, était exposé au musée du Prieuré de Saint-Germain-en-Laye depuis 1980 grâce à un dépôt de l’État. Comme le soulignait Vallery-Radot dans L’Art et les Artistes, son pathétisme offre un saisissant contraste avec les compositions heureuses du « nabi aux belles icônes (2) » : « Qui a vu une fois le Christ à la colonne, tel qu’il resplendit au Prieuré de Saint-Germain, dans le grand hall de Maurice Denis, l’illustre ami du peintre, ne peut plus oublier ce corps flagellé qui se courbe comme une flamme jaune empourprée de sang sur le blanc cruel de la colonne […]. C’est sans doute à dessein que le peintre des joies franciscaines et des matinées alléluiatiques a voulu placer cette sévère image au milieu de ses riantes incantations (3). »

Peint l’année de l’adhésion de Desvallières à la Société de saint Jean pour l’encouragement de l’art chrétien, le Christ à la colonne annonce le renouveau qui sera mis en oeuvre par les Ateliers d’art sacré à partir de 1919. Bien que leurs styles diffèrent, Denis et Desvallières, engagés dans leur foi, partagent une même aspiration à moderniser le « genre sacristie (4) » qu’ils fustigent. Cette œuvre, présentée dans les premières expositions d’art chrétien de l’entre-deux guerres et reproduite au format des images de dévotion, s’impose comme la démonstration d’une démarche alliant tradition chrétienne et art indépendant.


Isabelle Collet, Conservateur en chef au Petit Palais, Département des peintures.


(1) Le Christ à la colonne de Vélasquez est conservé à la National Gallery de Londres depuis 1883.
(2) Surnom donné à Maurice Denis par ses amis nabis.
(3) Robert Vallery-Radot, « George Desvallières », L’Art et les Artistes , octobre 1929, p.26.
(4) L’expression est de Maurice Denis.



Copyright © Catherine Ambroselli de Bayser, mars 2012.