Actualités


 
<
1er mai 2013
>
 

 






La Grande Guerre approche, du moins son souvenir. Il y a bientôt un siècle éclatait le pire conflit mondial jamais connu. Ce terrible cataclysme a atteint durablement les consciences européennes, à la fois comme signe de la fin d’un monde, et comme le début de la construction d’un autre. Face à une crise majeure, il ne faut pas oublier les chemins parcourus par les peuples pour se retrouver.

Le conflit mondial chamboula profondément les sensibilités et l’art européen pris des chemins jamais explorés jusqu’alors. Certaines manifestations artistiques accompagnèrent et amplifièrent cette crise, comme Picasso et les cubistes ou les dadaïstes. D’autres, se réfugièrent dans des voix intérieures. Tel fut le cas de George Desvallières (1861-1950). Artiste peu connu aujourd’hui, il a été néanmoins un peintre et un acteur de la vie artistique très influent au début du XXe siècle, s’inscrivant dans les traces de Gustave Moreau (ill. 1). Vice-président du Salon d’automne depuis 1903, il œuvre très activement pour la promotion des artistes d’avant-garde comme les fauves et les cubistes.

C’est en 1904 qu’il se convertie définitivement au catholicisme, mais son engagement dans le conflit, sur le front des Vosges, le bouleverse durablement, jusqu’à lui faire prendre des chemins artistiques nouveaux. En tant que commandant de bataillon, l’expérience du combat, de la mort et de la camaraderie, sera déterminante dans sa vie d’homme et d’artiste. Un ouvrage de Catherine Ambroselli de Bayser, grâce à la correspondance que le peintre a entretenu avec ses proches pendant ces années sombres, permet de retracer à la fois la vie tourmentée de l’homme et de sa manifestation picturale. L’ouvrage, mois après mois, entre 1914 et 1918, évoque la situation de l’artiste sur le front. Face à la dureté de la situation, le refuge dans la lumière de la foi devient une évidence, un halo d’espérance. Bien évidemment, durant cette période de combat, l’artiste produit peu, quelques esquisses ou aquarelles (ill. 2), mais il écrit beaucoup.

Durant les âpres batailles, plus précisément en mars 1916, après une incursion dans les lignes ennemies, Desvallières fait le vœu de ne plus peindre que des sujets religieux. Ainsi, pour les soldats morts, il associe le cœur de Jésus-Christ à tous les sacrifiés de la patrie, en particulier dans l’œuvre exposée au premier salon d’après-guerre en 1919 au Grand-Palais (Le Drapeau du Sacré-Cœur, ill. 3). Jusqu’à la fin de sa vie, le peintre maintient sa promesse et il ne peint que la souffrance de la guerre, parfois dans des grands décors comme dans la chapelle de Saint-Privat dans le Gard (ill. 4) ou dans la réalisation de vitraux (Douaumont, chapelle de l’Ossuaire).

Ainsi, l’art au XXe siècle poursuit de nombreux chemins. Si l’histoire de l’art n’a retenu que l’art d’avant garde issu des révolutions impressionnistes, cubistes et surréalistes du début du XXe siècle, il n’est pas inutile de se rappeler que l’art européen et français a aussi poursuivi d’autres chemins. Issue de la meilleure tradition académique du XIXe siècle, de nombreux peintres, notamment ceux issus de l’atelier ou de l’entourage de l’atelier de Gustave Moreau (Matisse, Albert Marquet, Georges Rouault, George Desvallières) ont choisi de poursuivre un art qui était également en rupture. Desvallières, en se tournant vers la foi catholique, puise dans son savoir artistique d’avant guerre une force artistique qui lui fera peindre des sujets empathiques à caractère patriotique.

Il est à parier que les manifestations artistiques qui vont célébrer l’année prochaine le centenaire du début de la première guerre mondiale vont surtout mettre l’accent sur les artistes d’avant-garde. Mais, il n’est pas inutile de se rappeler que la guerre et la fin d’une certaine Europe ont ouvert également la voie à un ressourcement du religieux. Ainsi, dans une période de crise intense, il n’est pas toujours évident que soit oublié cet élément rassembleur que constitue la religion. Dans la perte de repère, les âmes cherchent au-delà du réel. L’actualité contemporaine le montre.

Livre
Catherine Ambroselli de Bayser, George Desvallières et la Grande Guerre, Paris, Somogy.

Ill. 1 : G. Desvallières, Narcisse, 1893
Ill. 2 : G. Desvallières, Eclatement de Mättle, 1916
Ill. 3 : G. Desvallières, Le Drapeau du Sacré-Cœur, 1919
Ill. 4 : G. Desvallières, Le Sacrifice de la guerre, 1922

[le site hébergeant cet article a fermé]


Copyright © Catherine Ambroselli de Bayser, mai 2013.